Traduction d'extraits de l'article original de M. Jonathan Dimbleby, Daily Mail

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"... Lorsque Poutine est arrivé au pouvoir le brut était a 16 $ le baril; il est aujourd'hui à 120 $ - et personne ne sait quand cela va finir.

Mais cet afflux massif de capitaux dans les comptes publics n'a pas servi à "partager les fruits de la croissance" avec le peuple; à réduire l'indécent écart entre les riches et les pauvres.

Il n'a pas servi à ressusciter un système de sécurité sociale qui est à genoux (et qui est classé 130e sur les 190 pays des Nations Unies par l'Organisation Mondiale de la Santé), ni à reconstruire un système éducatif qui est si peu financé que les pauvres doivent payer pour faire admettre leurs enfants dans une école ou un collège ne serai-ce qu'à demi-correct.

Il n'a pas permis d'apporter le gaz et l'eau courante aux villages dont les paysans ont été dévastés par la chute des coopératives, ni à développer l'infrastructure dont une économie du 21e siècle aurait besoin pour rester compétitive face au reste du monde.

Affaiblie par l'épidémie du SIDA et un alcoolisme dont les effets conjugués sont d'abaisser l'espérance de vie masculine à 58 ans la population va, selon les prévisions, passer de 145 millions à 120 millions d'ici quelques dizaines d'années.

Alors ou donc est passée toute la richesse due au pétrole? Selon un rapport d'experts indépendants, rédigé par deux ex-initiés du Kremlin de haut niveau qui ont eu le courage de parler, un "système de gouvernement criminel s'est mis en place sous Poutine", dans lequel le Kremlin a vendu a bas prix des actifs d'Etat aux proches de Poutine et en leur rachetant d'autres actifs à un prix exorbitant.

Parmi de telles transactions douteuses les auteurs citent l'achat par la compagnie d'Etat Gazprom (dirigée jusqu'à il y a quelques mois par Dimitri Medvedev) d'une participation de 75% dans la société Sifnet (appartenant à Roman Abramovitch, l'oligarque propriétaire du Chelsea Football Club).

En 1995 Abramovitch, l'un des plus proches de Poutine, paya Sifnet US$100 millions; dix ans plus tard l'Etat paya US$ 13,7 milliards pour la racheter - une somme astronomique bien supérieure à la valeur de marché.

D'une manière encore plus explosive, les auteurs prétendent que le Kremlin a créé un monopole des exportations de pétrole au profit des "amis-de-Poutine", ainsi qu'un fonds secret afin de remercier les fidèles.

Selon un analyste du Carnegie Centre de Moscou, dont l'objet est de promouvoir une plus grande collaboration entre les Etats-Unis et la Russie, ce rapport est "une bombe qui dans tout autre pays que la Russie provoquerait l'effondrement du pays".

En Grande-Bretagne de telles révélations auraient certainement provoqué un scandale énorme, des enquêtes officielles urgentes et une enquête policière majeurs - et peut-être la chute du gouvernement.

Mais du fait de la poigne totalitaire de Poutine sur le pouvoir (non seulement a-t-il désigné son propre Conseil des Ministres, ce qui était la prérogative du Président, mais il va conserver le contrôle économique du pays), il n'y aura pas d'enquête.

Vous pouvez oublier les propos du Président quant à "l'éradication" de la corruption. Ce mal social et économique est endémique.

Selon Transparency International - une société globale militant contre la corruption - la Russie est devenu un leader mondial dans ce secteur. Des analystes étrangers estiment que plus de US$ 30 milliards sont dépensés chaque année afin de "lubrifier la mécanique des échanges et du commerce".

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Et c'est parce que tout le monde participe. Des entreprises (y compris les investisseurs étrangers qui prétendent avoir les mains propres mais se couvrent en créant des sociétés-écran locales pour payer les commissions) aux plus humble citoyens qui paient pour faire annuler une suspension de permis de conduire.

Dans un pays ou la "séparation des pouvoirs" est devenue une mauvaise plaisanterie, la justice est tout aussi corrompue.

A l'exception peut-être des juridictions traitant des délits mineurs au niveau local, le système judiciaire est asservi au Kremlin et à ses satrapes.

La menace d'une procédure pour fraude fiscale constitue l'arme de choix du Kremlin contre quiconque ose menacer son hégémonie.

Lorsque Mikhaïl Khodorovsky, qui fut l'homme le plus riche du pays, utilisa sa fortune pétrolière afin de promouvoir les droits de l'homme et la démocratie, Poutine vit son trône menacé.

L'oligarque fut arrêté et condamné pour fraude. Il croupit à présent dans une prison sibérienne ou il entame sa troisième année de détention sur une condamnation de huit ans.

Ceci ne fait l'objet d'aucun débat public en Russie ou les medias ont été muselés par le Kremlin et leur liberté d'expression étouffée par le gouvernement.

Presque toutes les stations de radio et de télévision sont maintenant sous le contrôle direct ou indirect de l'état, ainsi que tout journal de quelque influence.

Aux jours exaltants qui ont encadré la chute de l'empire soviétique les rédacteurs et les journalistes se bousculaient pour défier les puissants et exposer les scandales et la corruption.

Aujourd'hui ils fuient la colère de l'état et de ses agents fonctionnaires de police ou des services secrets.

Le nombre réduit de ceux qui ont le courage d'enquêter ou d'élever la voix contre les abus des riches et des puissants se retrouve très vite sans emploi - ou, dans un inquiétant nombre de cas, récipiendaire d'une balle mortelle.

Quelque 20 journalistes russes ont été tués dans des circonstances suspectes depuis l'avènement de Poutine au pouvoir. Personne n'a encore été condamné pour aucun de ces crimes.

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La structure de l'état - l'alliance entre le Kremlin, les oligarques, et les services de sécurité - est d'une puissance redoutable.

Non moins inquiétants sont le fréquent mépris affiché envers la démocratie, et l'indifférence aux droits de l'homme.

En l'absence de toute expérience de transparence ou d'obligation de rendre des comptes - les ingrédients de base d'une société ouverte - même les plus pondérés des Russes ont tendance à dire: La Russie a besoin d'un homme fort. Poutine lui a rendu sa grandeur. Maintenant le monde doit écouter...."

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